De nombreuses initiatives ont été entreprises lors de la dernière décennie pour à la fois protéger les étudiants en médecine vis-à-vis de l’influence de l’industrie pharmaceutique et de celles des matériaux médicaux, et mieux former les futurs médecins quant au potentiel des influences commerciales sur leur pratique professionnelle. Depuis 2007, l’Association nationale des étudiants en médecine américains (AMSA) publie chaque année un classement des facultés de médecine états-unienne par rapport à leur politique officielle vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique. l’AMSA utilise pour cela 14 critères, définis à partir de la littérature scientifique sur le sujet [1]. Mason et Tattersall ont fait de même pour l’Australie en 2009 [2], tandis que Shnier et ses collègues ont réalisé une étude similaire au Canada en 2013 [3].
Pour ces deux derniers pays, des régulations limitées ont été enregistrées, en faisant aussi apparaître des mesures encourageantes: l’Association des facultés de médecine du Canada (AFMC) a par exemple voté le soutien des recommandations émises par l’Association américaines des facultés de médecine (AAMC) de 2008 pour mieux gérer, et si nécessaire interdire, les relations entre les membres des universités et l’industrie pouvant générer des conflits d’intérêts et affecter les pratiques professionnelles [3]. L’AAMC représente 145 facultés de médecine accréditées aux États-Unis, 17 au Canada, et plus de 400 hôpitaux universitaires.
Aux États-Unis, les deux-tiers des facultés ont reçu un A ou un B pour le classement de l’AMSA réalisé en 2015, ce qui correspond aux notes les plus élevées (exemplaires pour A et modérées pour B). Ceci reflète un changement majeur des politiques universitaires dans ce pays en moins d’une décennie. En effet, en 2007, la quasi totalité des facultés avaient obtenu un F, soit la note la plus basse [1].
Ces initiatives traduisent le fait que les études médicales devraient être basées sur la meilleure science médicale possible, protégée des biais à visée commerciale. Cependant, les confits d’intérêts sont encore monnaie courante au sein des facultés. La plupart des enseignants ont des liens d’intérêt avec l’industrie. Ils ont reçu des financements pour leur recherche, sont membres des conseils scientifiques ou des services de conférenciers des firmes [4]. Ceci conduit à un conflit d’intérêts où les partenariats financiers peuvent influencer les opinions professionnels des enseignants et leurs cours destinés aux étudiants [5,6]. Le comportement des enseignants, ainsi que la qualité des informations données dans leur cours sont très importants dans la mesure où ils jouent le rôle de modèle pour les étudiants dans leur future pratique [7].
En France, la situation est similaire sur bien des aspects. Suite à l’affaire du Mediator° de la firme Servier, des lois plus sévères ont été adoptées pour encadrer les conflits d’intérêts [8,9]. Ces derniers ont joué un rôle conséquent dans la lenteur des réactions des pouvoirs publics notamment. Depuis mars 2016, la loi requiert que les membres des facultés de médecine de déclarer leurs liens d’intérêts en classe, ce qui était aussi une demande du Conseil Européen[11,12]. Cette nouvelle mesure est aussi en accord avec le souhait des étudiants français d’avoir une meilleure connaissance des liens d’intérêts de leurs enseignants, comme une étude de 2012 en a rendu compte [13].
En dehors de l’influence qui peut s’exercer directement dans les lieux d’enseignement, les relations avec l’industrie peuvent aussi se traduire par des publicités présentes dans les manuels d’enseignement ou dans des documents présentés comme éducatifs fournis par les industriels. Deux firmes, dont Servier, ont des années durant organisé les épreuves blanches des ECN, le concours qui clôture la sixième année des études. Ce n’est qu’après que le scandale du Mediator a éclaté qu’elles ont arrêté de le faire. La majorité des étudiants sont aussi fréquemment exposés à des contacts avec les visiteurs médicaux envoyés par les industriels, à des cadeaux ou des repas offerts, ainsi qu’à des exposés présentés par les firmes [14]. La recherche internationale montre que les étudiants sont influencés par ces procédés, même s’ils pensent que ce n’est pas le cas [15-20]. Une lettre adressée aux doyens des facultés de médecine a été envoyée par l’Association Nationale des Étudiants en Médecine de France (ANEMF) en juin 2015, demandant à ce que les études médicales préparent davantage les futurs médecins à être indépendants vis-à-vis de stratégies des firmes les prenant pour cible. L’ANEMF a aussi apporté son soutien officiel au présent classement par le biais de cette lettre [21].
A partir de 2013, les premières études ont été publiées évaluant les effets de l’introduction de politiques plus strictes concernant l’industrie pharmaceutique dans certaines facultés états-uniennes [22,23]. Elles montraient que les jeunes médecins issues de ces facultés avaient de meilleures pratiques de prescription. Au contraire, lorsque les politiques pour réduire l’influence des firmes étaient faibles ou absentes, les étudiants sont directement et indirectement exposés aux stratégies commerciales. Ceci était d’autant plus important à souligner que les attitudes et les comportements adoptés lors des études persistent dans les pratiques professionnelles plus tard [2].
Étant donné l’ensemble de ces résultats, nous avons souhaité nous inspirer de la démarche des étudiants de l’AMSA en France et avons procédé au premier classement des facultés de médecine qui correspond à l’année universitaire 2015-2016.
Cet article correspond pratiquement à la partie introduction de l’étude Conflict of Interest Policies at French Medical Schools : Starting from the Bottom, réalisé par le Formindep et publié en ligne par PLOS ONE. Pour les références, veuillez vous référer à l’article original.